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L'oracle de Napoleon


Si Napoléon a perdu à Leipzig en 1813, ce n’est pas comme on pourrait le croire, à cause de la supériorité numérique des armées russes et prussiennes, mais parce qu’un manuscrit lui est tombé de la poche durant la mêlée – Un oracle, dont on dit qu’il aurait permis à l’empereur de gagner moultes batailles, avant de perdre toutes les autres.



Du moins c’est ce que veulent nous faire croire deux auteurs qui ont la bonne idée de sortir la même année, en 1822, un oracle tamponné ‘Napoléon’. S’il est difficile de déterminer qui a pompé sur qui, ou bien si l’idée flottait simplement en l’air, les deux livres ont cela en commun que la mésaventure de l’empereur est censée servir d’avertissement au lecteur qui doit prendre garde de ne pas égarer le livre – mais avant tout, il doit l’acheter.


Le premier à tenter de nous faire croire que Napoléon tirait ses stratégies militaires au sort & qu’en 1801, l’entourage intellectuel de l’empereur était susceptible de traduire des hiéroglyphes [1], est Herman Kirchenhoffer, un universitaire allemand.

Ramené de la campagne d’Egypte (1798-1799), l’Oracle d’Osiris aurait, selon lui, été découvert dans une tombe de la vallée de rois. Pour en conserver le mystère (sic), l’empereur l’aurait fait traduire en allemand par ses lettrés. Et puis est venu ce facheux jour où le papier a glissé de son manteau, heureusement pour le lecteur moderne, un prussien l’a ramassé.



Dans son Napoleon’s Book of fate, Herman Kirchenhoffer propose donc au lecteur sa traduction du précieux manuscrit, en précisant qu’il convient de ne pas trop prêter attention aux allusions sonnant par trop « modernes » pour un traité égyptien, car on ne réalise jamais à quel point l’Egypte Antique et l’Angleterre du XIXeme ont en commun…


Bien que le terme géomancie ne soit jamais mentionné, la technique consiste en une géomancie simplifiée, où les figures comportent 5 étages au lieu des 4 traditionnels. Elles sont donc au nombre de 32, comme le sont également les questions prédéterminées.

En lisant ces questions possibles, on comprend d’ailleurs mieux comment Napoléon a pu mener ses batailles grâce à l’oracle, puisqu’on y trouve pêle mêle : Vais-je me marier avec cette personne ? Vais-je perdre de l’argent au jeu ? Le mariage m’apportera-t-il le bonheur ? Mon enfant sera-t-il une fille ou un garçon ? Etc.



Un tableau attribue ensuite un verdict selon la figure sortie et la question choisie, le tout enrobé de considérations emphatiques sur le mysticisme égyptien. Tout de suite un extrait. Vous allez voir, c’est léger comme tout, on dirait du Péladan:


« Ô Prêtres, soyez avertis qu’il ne faut aucunement pratiquer la divination, ni agréer aucun don, ni sacrifice, ni consultation durant la saison nocturne mais seulement lorsque l’éclat d’Isis rayonne de toute sa magnifique splendeur. Vous ne ferez pareillement aucune réponse en ces jours ou nuits durant lesquels Osiris qui commande les cieux durant le jour, tandis que la reine de son cœur les dirige la nuit, dissimule la majesté qu’ils contiennent aux yeux des mortels, alors que les astres se retirent du labeur de leur course céleste pour se reposer en leurs chambres-sanctuaires. Ces mots que j’écris, moi, Balaspis, m’ont été dictés par Hermès Trismégiste, à votre intention, ô prêtres de Thèbes ».



Malgré son ridicule, l’ouvrage remporte un succès immédiat. Richard Deacon, préfacier de l’édition moderne raconte:


« L’Oracle de Napoléon alimenta les conversations dans les dîners mondains de Londres. A partir du moment où Napoléon mourut, le public cessa de le voir comme un croquemitaine pour le nimber d’une aura de romantisme chevaleresque. Les gens se montrèrent friands d’histoires et de ragots concernant celui qui avait failli devenir maître du monde. L’ouvrage servit quelque fois, ainsi que The Fashion Gazette le suggérait, comme jeu de salon, mais les jeunes filles timides s’en servaient également, dans l’intimité de leurs chambres, pour essayer d’apprendre quel type d’homme elles épouseraient. Beaucoup de gens raillaient l’oracle, bien entendu, mais plus nombreux étaient ceux qui le consultaient ».


Le deuxième auteur à recycler Bonaparte est l’astrologue Robert Cross Smith, plus connu sous le pseudonyme de Raphael. L’argument de vente est le même, mais il n’est pas question d’Egypte, simplement de l’énorme bévue de Napoléon perdant les précieux feuillets à Leipzig.



L’ouvrage, co-signé avec son ami G. W. Graham, s’intitule The Philosophical Merlin. S’il y est beaucoup plus question d’astrologie que dans celui de Kirchenhoffer, les auteurs, comme leur collègue en bonapartisme divinatoire, omettent de mentionner la géomancie pourtant à l’origine de la technique oraculaire. Par contre, ils n’oublient pas de dédicacer l’ouvrage à la célèbre voyante Mademoiselle Lenormand (qui n’a sans doute jamais entend parler d’eux).

Cette fois ci, il s’agit de tracer 8 lignes d’au moins 12 points dont seront déduites deux figures de 4 étages, ensuite fusionnées pour livrer la réponse. Avec un sens de la prudence admirable, les auteurs précisent que si cette réponse n’est pas satisfaisante, c’est que vous avez fait une erreur quelque part, il convient alors de recommencer après un délai d’une heure.


Chaque figure fait l’objet d’un chapitre entier où vous pouvez apprendre quelle est votre couleur favorite, les influences astrales qui vous gouvernent, vos phobies et désirs secrets… Quant à Napoléon, on le croise parfois au détour d’une page, mais comme il change d’ascendant géomantique au moins une fois dans le manuscrit, Stephen Skinner en déduit qu’on a sûrement farci un texte préexistant avec le nom de l’empereur là où y’avait moyen de l’insérer .


Bref, tout le monde est d’accord sur la question: Le Merlin philosophique & son cousin l’Oracle d’Osiris n’ont d’authentique que le désir de leurs auteurs de gagner de l’argent.



Les pages qui le mentionnent le présentent au contraire comme tout à fait crédible, adhésion assortie parfois de splendides considérations philosophiques telles que « L’aspect mathématique de cet oracle était bien suceptible de plaire à un esprit militaire comme celui de Napoléon » .



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